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jean-paul baquiast - Page 4

  • Des clients du Système ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Paul Baquiast, animateur du site Europe solidaire, qui touche du doigt une vérité essentielle : les hommes politiques ne veulent pas abattre un système dont ils sont les clients...

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    Vive la banque d'affaire. Vive la fraude

    Les économistes et observateurs les moins portés à la critique du capitalisme affirment aujourd'hui avec une grande unanimité que le salut de celui-ci supposerait le démantèlement de la dictature du pouvoir financier qui parasite dorénavant à son profit l'ensemble des activités productives.

     Ceci devrait se traduire par une double série de réformes: ramener le système bancaire à son rôle premier de gestionnaire des épargnes et de financement des PME, interdire les activités spéculatives se déroulant dans le secret des paradis politiques et technologiques, qui permettent d'échapper aux contraintes fiscales et réglementaires.

    Les mesures à prendre en ce but sont très simples et pourraient être comprises par tous les citoyens. Elles dépendent avant tout de l'intervention des gouvernements et des administrations de contrôle. Faire confiance à la bonne volonté réformatrice du pouvoir financier serait un leurre.

    On pourrait donc penser que, à la veille d'élections générales, les candidats au pouvoir devraient en faire la priorité de leurs programmes. Toutes les autres réformes en découleraient. S'ils expliquaient aux électeurs la nécessité des décisions à prendre, ils auraient le soutien des peuples pour s'attaquer à la mise en oeuvre de ces réformes, malgré les résistances à prévoir. L'objection selon laquelle de telles réformes supposeraient un consensus international ne tient pas. Si personne ne commence, la dictature du pouvoir financier se poursuivra en s'amplifiant. S'en prendre à un tel pouvoir présente certes des risques majeurs, au plan national comme international, mais là encore il faut bien que quelqu'un donne l'exemple. On peut faire une comparaison. Si les manifestants syriens n'acceptaient pas de mettre leur vie en péril pour abattre le régime de Bachar al Hassad, celui-ci continuerait à les opprimer jusqu'à la fin des temps.

    Il est donc curieux de voir, dans le cas des débats entre candidats socialistes à la présidence de la République, qu'en dehors de Arnaud Montebourg (et encore), aucun d'eux n'a vraiment insisté sur la priorité à donner à la réforme du système bancaire et à la lutte contre les gangsters en col blanc que que le courageux journaliste Marc Roche a décrit dans son livre "Le capitalisme hors la loi" (Albin Michel 2011). Les électeurs ne suivraient pas, dira-t-on. Mais, nous venons de le voir, ils suivront d'autant moins que personne ne prendra la peine de leur expliquer les enjeux en cause, et le rôle qu'ils pourraient jouer en tant que citoyens et agents économiques.

    Les cyniques ou réalistes (dont nous ne sommes pas encore tout à fait) feront une autre hypothèse. Les partis de gauche, en France et en Europe, sont depuis des lustres des otages d'un Système qui finalement les nourrit en les pourrissant. Leurs candidats n'iront donc pas risquer de tuer la poule aux oeufs d'or. Les Français de gauche pourront se consoler en pensant que leurs homologues aux Etats-Unis avaient très vite compris que, derrière le Yes we can du sémillant Obama se trouvait et se trouve encore l'homme de confiance de Wall Street et de Warren Buffet.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 19 septembre 2011)

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  • Couple franco-allemand et Europe fédérale...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site De Defensa. L'auteur, animateur du site Pour une Europe intelligente, y défend l'idée de l'importance vitale d'un couple franco-allemand fort pour construire une Europe fédérale puissante ; une importance que les Anglo-saxons ont bien comprise depuis longtemps...

     

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    Couple franco-allemand et Europe fédérale

    L'urgence à renforcer le couple franco-allemand viendra-t-elle en contradiction avec une autre urgence, donner à l'Union européenne le statut d'un Etat fédéral?

    Nous sommes de ceux qui pensent que les deux nations, l'Allemagne et la France, ont manqué le rendez-vous de l'histoire il y a quelques années lorsque l'idée de renforcer les liens institutionnels entre l'Allemagne et la France, y compris en partageant des responsabilités politico-administratives, avait été évoquée. Faute d'hommes d'Etat visionnaires, dans les deux pays, ce projet n'a pas été encouragé. Aujourd'hui, nous allons le voir, le besoin s'impose plus que jamais. Mais ceux qui reprendraient une telle initiative viendraient-ils en contradiction avec une exigence beaucoup plus pressante, transformer progressivement l'Union européenne en Etat fédéral? On pourrait craindre en effet que si un pôle de puissance se constituait autour de l'Allemagne et de la France, les 25 autres Etats redouteraient de voir le cadre fédéral amputer leurs autonomies au profit de ce pôle. Nous croyons pour notre part qu'à condition de déployer un peu de diplomatie, il n'en serait rien. Toute Fédération juxtapose sans conflits des Etats fédérés inégalement puissants. Des dispositifs constitutionnels existent pour la défense des partenaires moins importants. Encore faudrait-il convaincre les opinions publiques de leur efficacité.

    Le couple Franco-allemand. Les Allemands en veulent-ils encore?

    Partager avec l'Allemagne des politiques communes, voire des institutions communes, devrait être généralement bien vu en France. Les Allemands sont appréciés et admirés, même s'ils suscitent moins de sympathies spontanées que d'autres voisins, Espagnols ou Italiens par exemple. Ces partages pourraient se faire dans des domaines où les deux pays disposent d'atouts semblables qui pourraient ainsi être renforcés. Il en serait ainsi par exemple des programmes de recherche scientifique ou des budgets d'éducation. Ils pourraient parallèlement être encouragés dans des domaines où les défaillances d'un pays seraient compensées par les avancées de l'autre. Evoquons par exemple la Défense, point fort de la France ou les coopérations stratégiques avec la Russie ou la Chine, point fort de l'Allemagne.

    Beaucoup d'observateurs considèrent par contre que des mises en commun avec la France seraient aujourd'hui refusées par les Allemands, que ce soit par les grands intérêts industriels qui font aujourd'hui la loi à Berlin ou par l'opinion publique, laquelle se sent plus spontanément proche de l'Europe du Nord et de l'Est. Les Français seraient considérés avec la méfiance condescendante qui caractérise les relations de l'Europe centrale “sérieuse”, avec l'Europe méditerranéenne plus insaisissable. Les changements de pied continuels et le culte de l'égo ayant caractérisé Nicolas Sarkozy ces dernières années n'auraient rien fait pour revaloriser l'image de la France.

    De nombreuses analyses récentes, d'origine anglo-saxonne, vont plus loin. Elles visent à démontrer que l'Allemagne a désormais choisi d'une part de s'imposer en leader sans partage dans l'Union européenne et d'autre part de constituer, avec un groupe de pays suiveurs dans lequel la France n'aurait pas sa place, un axe de puissance intégrant la Russie et tourné vers la coopération d'égal à égal avec les pays asiatiques, notamment la Chine. Un article récent du New York Times, «Europe's Economic Powerhouse Drifts East», montre avec des exemples précis comment de grandes entreprises allemandes ont décidé de concentrer au profit de l'Est, notamment de la Chine, leurs efforts commerciaux et surtout leurs investissements. Elles ne tournent pas systématiquement le dos avec l'Europe, qui continue à jouer un rôle important pour elles, mais ce sera dorénavant l'Asie qui sera leur champ de bataille principal.

    Ces entreprises et le gouvernement allemand à leur suite ne craignent apparemment pas la concurrence chinoise ni même des mesures unilatérales visant à les exclure du marché chinois. Elles font confiance pour cela à leur avance technologique qui les rendra incontournables à l'avenir, quels que soient les investissements de recherche/développement des entreprises chinoises. On conçoit que dans ces perspectives, le rapprochement avec des entreprises françaises poussives, n'investissant pratiquement pas et voyant se réduire leurs marchés, n'intéresse plus les Allemands. Ils craindraient par ailleurs comme la peste les tentations de protectionnisme que pourraient avoir le gouvernement français en cas d'aggravation de la situation économique intérieure.

    Les mêmes think-tanks atlantistes opérant sans contrainte en Europe même font valoir qu'un éventuel couple franco-allemand renforcé (dont ces think-tanks ne veulent pas) terrifierait les autres pays européens. Ces pays ne craindraient pas dans ce couple le leadership allemand, au contraire. Selon l'image du New York Times, beaucoup seraient prêts à reprendre le refrain du Deutschland über allés. Mais ils craindraient par dessus tout l'influence et les initiatives françaises, présentées comme franco-centrées, irresponsables et politiquement aventureuses. A cet égard, il est certain que la France aurait beaucoup à faire pour mieux faire admettre à ses voisins les politiques ambitieuses dont elle pourrait rêver et dont le couple franco-allemand pourrait être un des acteurs. L'arrogance supposée de la “Grande Nation” n'a pas fini de faire des ravages.

    Il faut prendre garde cependant que les analyses évoquées ci-dessus, même si elles reposent sur des observations incontestables, ont tendance à dramatiser la montée en puissance de l'Allemagne et sa volonté de devenir une sorte de nouveau führer au sein d'une Europe réduite aux tâches mineures. Elles émanent en effet de sources anglo-américaines pour qui traditionnellement la constitution en Europe d'un axe franco-allemand fort a toujours été considéré comme le risque absolu. Le capitalisme industriel allemand, sur le modèle dit rhénan, comme les politiques économiques régaliennes et interventionnistes traditionnelles en France, contredisent en effet directement le modèle néo-libéral anglo-saxon reposant sur la prédominance des intérêts financiers dans un monde systématiquement voulu sans frontières. Il y a donc intérêt pour les Etats-Unis à maximiser les différentiels de civilisation entre l'Allemagne et la France et présenter par ailleurs comme dangereux pour le rêve toujours vivace d'un “grand marché nord-atlantique” les stratégies allemandes d'ouverture à l'Est (voir sur ce “rêve”, notre “brève” ) .

    Concernant l'avenir des projets allemands en Asie, il faudrait en Europe même rester prudent. Bien que la Chine accepte encore volontiers des partenariats avec le capitalisme industriel allemand, elle sera tentée en cas de renforcement de ses difficultés intérieures de se recentrer sur ses propres ressources, privant ainsi à l'avenir l'économie allemande d'un de ses moteurs. Si l'Europe, et plus particulièrement la France, savaient au contraire sortir de leur atonie et offrir à l'Allemagne, comme d'ailleurs à la Russie, de nouvelles opportunités de développement, ces grandes nations cesseraient de se détourner des enjeux de la coopération intra-européenne. C'est sur un tel pari que reposerait un ambitieux projet fédéral européen, lui même axé sur un couple franco-allemand renforcé.

    Un ensemble franco-allemand fort dans une Fédération européenne forte.

    Si l'on voulait que les deux exigences résumées dans ce sous-titre puissent progresser en parallèle, il faudrait convaincre les intérêts économiques mais aussi les opinions publiques, dans les deux pays comme dans le reste de l'Europe, que la chose serait possible et bénéfique. Autrement dit, il faudrait montrer que des partenariats stratégiques accrus entre l'Allemagne et la France bénéficieraient à tous les pays européens, voire à des pays non-européens voisins, autour de la Méditerranée notamment.

    Les exemples de tels bénéfices possibles ne manquent pas. D'ores et déjà la coopération historique qui s'était établie autour d'un pôle franco-allemand dans les industries aéronautiques et spatiales a entrainé de nombreux partenaires européens. Aujourd'hui, si Daimler semble bouder ce secteur pour lui préférer la mécanique, l'avenir devrait rester prometteur, à condition de savoir se garder des abandons prématurés de savoir-faire. Il pourrait en être de même du ferroviaire et des grandes technologies intéressant les réseaux terrestres, l'aménagement du territoire, le traitement des déchets et la protection des littoraux. Concernant les industries de défense et leurs applications duales, la France et l'Allemagne disposent d'une compétence sans égale dont pourront un jour bénéficier tous les pays européens, s'ils acceptaient de se rallier au concept d'une défense européenne s'émancipant de la tutelle politique et technologique américaine.

    De la même façon, sans mentionner le cas particulier du nucléaire, on pourrait admettre qu'en ce qui concerne toutes les énergies non productrices de CO2, la nécessité d'une concurrence interne entre industries européennes, à laquelle tient beaucoup l'Allemagne, ne devrait pas exclure des coopérations entre l'Allemagne, la France et les autres pays. Il en serait de même dans le domaine des industries chimiques, pharmaceutiques et du vivant, du numérique, de la robotique et de l'intelligence artificielle.

    Dans tous ces cas, et bien d'autres que nous ne citerons pas ici mais qui sont très connus de nos lecteurs, le projet fédéraliste que nous avons présenté par ailleurs, visant à constituer un grand fonds stratégique d'investissement financé par les épargnes européennes, pour un montant cumulé d'au moins 1000 à 1500 milliards, permettrait d'ouvrir de larges espaces de développement aux champions industriels et scientifiques allemands, français ainsi qu'à ceux existant ou à créer dans l'ensemble des autres pays européens, petits ou grands.

    Ceci pourrait permettre, sans rien retirer à la puissance propulsive du moteur industriel allemand, de mieux assurer ses échanges avec des concurrents/partenaires européens. Le moteur allemand pourrait ainsi contribuer plus qu'aujourd'hui au développement de l'Union toute entière, ainsi qu'au couple franco-allemand au sein de celle-ci.

    Mais il faudrait pour que tout ceci se produise que la France, l'Allemagne et les autres Etats européens adhérent au projet fédéraliste que nous avons décrit dans plusieurs articles (voir notamment récemment cet article). Il faudrait aussi que les nains qui nous gouvernent cèdent la place, sous la pression d'opinions populaires enfin convaincues, à des dirigeant(e)s de très grande stature. Ce serait sans doute là le pas le plus difficile à franchir. Mais les crises font parfois surgir des ressources humaines inattendues.

    Jean Paul Baquiast (De Defensa, 21 juillet 2011)

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  • Obama, le Pakistan, Ben Laden : des manoeuvres tortueuses...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Jean-Paul Baquiast, publiée sur son site Europe solidaire, à propos de l'opération "Ben Laden" et de ses développements stratégico-médiatiques.

     

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    Obama, le Pakistan, Ben Laden

    Des nuages de fumées de plus en plus opaques continuent à être émis par les Etats-Unis pour camoufler aux yeux du monde les manoeuvres tortueuses impliquant les relations entre l'administration fédérale, le lobby militaro-industriel, le Pakistan, nombre d'autres protagonistes moins importants et dont l'affaire Ben Laden représente la partie émergée.

    Nous avons dans un article précédent parlé d'enfumage, principalement dirigé contre ceux qui dans le monde entier ont le tort de chercher à comprendre le dessous des cartes. L'enfumage continue plus que jamais mais on peut regretter que Barack Obama, présenté à l'intérieur et à l'extérieur comme un parangon de bonne foi, en soit l'instrument sinon l'instigateur principal.

    Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les éditorialistes non alignés de la presse américaine pour se rendre compte que plus personne sauf les naïfs invétérés ne croit en Amérique au récit héroïque présenté par Obama lui-même en annonçant le coup de mains ayant permis de supprimer Ben Laden. Existait-il encore un personnage de ce nom doté du curriculum vitae que le renseignement américain lui avait inventé. Dans l'affirmative, à supposer qu'un Ben Laden très diminué ait survécu en se cachant à Abbottabad, près d'Islamabad, comment croire que tant le Pakistan que l'Amérique aient pu l'ignorer jusqu'à ces derniers jours. Mais s'ils ne l'ignoraient pas, pourquoi faisaient-ils comme s'ils l'ignoraient et pourquoi, subitement, manifestement de connivence, l'ont-ils fait disparaître un beau jour.

    L'hypothèse la plus répandue, dans les médias américains non conformistes, est que le Pentagone, la CIA et Obama, les trois grands protagonistes de cette aventure, ont eu besoin du « mythe Ben Laden » pour justifier ces dernières années, non seulement une mobilisation permanente de type sécuritaire qualifiée de « global war on terror » mais l'occupation de l'Afghanistan. Il s'est cependant trouvé que le coût de la guerre, comme ses résultats de plus en plus désastreux, obligent Obama à précipiter le retrait. Mais devant l'hostilité de la CIA représentée par son omniprésent directeur Léon Panetta, comme plus généralement de celle du lobby militaire représenté par le Pentagone, qui n'auraient pas accepté un départ pur et simple, le trio a été obligé d'inventer un éclatant fait d'armes qui rendra dans les semaines à venir ce retrait beaucoup plus acceptable. L'économie budgétaire en résultant, comme sa nouvelle aura de chef de guerre, permettra ainsi à Barack Obama d'aborder se réélection dans de bien meilleurs conditions qu'auparavant. Il saura en compensation mettre un frein aux propositions de réduction du budget militaire qui continuent à circuler dans certains cercles démocrates. 

    Il semble que Panetta ait été convaincu d'accepter ce deal. En tant que sympathisant démocrate, il devrait en principe « rouler pour Obama », que ce soit aujourd'hui ou demain. Mais la CIA se garde des biscuits si l'on peut dire. Elle vient d'annoncer que Ben Laden, loin d'être un grand malade inoffensif comme le prétendaient les conspirationnistes, préparait de nouveaux attentats sur le sol américain. La CIA dispose surtout de l' « immense » réserve des documents saisis sur les ordinateurs et disques durs de Ben Laden, qu'elle sera la seule à déchiffrer. Elle pourra donc annoncer au monde exactement ce qu'elle voudra pour justifier les politiques futures du Pentagone – Pentagone dont assez normalement Panetta devrait prendre la tête en remplacement de Robert Gates apparemment disqualifié. Il s'ensuit que la liberté d'action future de Barack Obama sera nécessairement très contrainte par les révélations que les militaires et les gens du renseignement jugeront bon de faire (nous allions dire d'inventer) à partir de tous les documents qu'ils analyseront.


    Quant au Pakistan, bien malin, même à Washington, qui pourrait dire ce qu'il veut vraiment, compte tenu des diverses factions qui se disputent le gouvernement, dont l'ISI et l'armée ne sont pas les moindres. On peut penser que ces dernières années, il avait intérêt lui-aussi à encourager le mythe Ben Laden, peut-être en accord secret avec la CIA. Il ne pouvait pas cependant laisser supposer qu'en fonction de cet accord il protégeait directement ledit Ben Laden, aux yeux par exemple de l'Inde.

    Mais aujourd'hui, plus que les survivances d'El Qaida, aujourd'hui, ce sont les Talibans qui importent aux yeux du Pakistan. Il semble que le départ américain étant désormais programmé, il lui est devenu impératif de s'entendre avec eux pour que l'Afghanistan à ses frontières occidentales continue à lui assurer un potentiel back-up à l'égard de l'Inde. Or Ben Laden n'était en rien apprécié par les Talibans, qui y voyaient plutôt semble-t-il une émanation de l'Arabie saoudite.


    Certes, orchestrée par la classe politique unanime - et pas seulement par l'opposition -, la colère monte au Pakistan. Elle éclabousse à la fois les responsables du gouvernement civil et le tout puissant appareil militaire. On leur reproche indifféremment leur dissimulation ou leur aveuglement. Mais on peut penser qu'une fois sorti du guêpier que représentait la présence de Ben Laden, ces deux forces dirigeantes s'entendront à nouveau pour continuer à ménager l'Amérique tout en jouant divers double-jeux avec les gouvernements de la région.

    Ce que nous continuons pour notre compte à trouver affligeant, c'est la candeur avec laquelle les Européens admettent le récit héroïque présenté par Obama lui-même, alors que, comme nous l'avons indiqué, un nombre croissant de ses compatriotes refusent dorénavant de le laisser duper.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 9 mai 2011)

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  • Tour d'horizon... (4)

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    Au sommaire :

    - sur Marianne, Laurent Pinsolle revient sur la question du protectionnisme ;

    Protectionnisme, une vraie réponse économique ?

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    - sur Europe solidaire, Jean-Paul Baquiast tire quelques leçons intéressantes de la catastophe de Fukushima.

    Japon. Fin d'un mode de vie. Avertissement pour le monde

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  • Tour d'horizon... (2)

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    Au sommaire :

    - François-Bernard Huyghe sur son site, Huyghe.fr, tire des leçons provisoires des révolutions d'Afrique du Nord ;

    Révolutions assistées par ordinateur ?

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    - Jean-Paul Baquiast, sur De Defensa, se livre à un passionnant exercice d'anticipation prospective.

    "Processus coactivés" et nouvelle maîtrise du monde

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  • Vers un printemps des peuples européens ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Paul Baquiast, tiré du site Europe solidaire, comportant un certain nombre de réflexions intéressantes. A lire...

     

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    Quel printemps pour les peuples européens ?

    Les peuples européens, et à quelles conditions, pourraient-ils connaître un printemps politique analogue à celui des Tunisiens et des Egyptiens?

    Nous avions fait l'hypothèse, dans notre éditorial du 11/02/2011 « Le printemps des peuples » que l'exemple des révolutions tunisienne et égyptienne allait peut-être inspirer un certain nombre de peuples du monde jusqu'ici privés de liberté politique et de droits civiques par des gouvernements autoritaires. Ceci ne résoudrait pas nécessairement leurs difficultés économiques mais y contribuerait. La démocratie rendrait plus difficile la confiscation et le gaspillage des ressources nationales par les cercles du pouvoir. Les individus rendus plus autonomes pourraient mieux participer à la création de richesses collectives. Plus généralement, ceux qui sont situées au bas des échelles sociales auraient davantage de moyens pour se faire entendre. On comprend que de telles perspectives, pour des populations qui ne disposent d'aucun de ces avantages, considérés comme allant de soi dans les démocraties européennes, génèrent un grand enthousiasme collectif.

    Mais nous nous demandions quel type de révolution serait susceptible de générer de l'enthousiasme collectif parmi les populations européennes, puisque celles-ci, globalement, bénéficient depuis quelques décennies des libertés civiques dont sont privées les citoyens vivant dans des dictatures. Or les Européens, à écouter ceux qui parlent en leur nom, font valoir nombre de sujets de mécontentements. Beaucoup de ceux-ci ne sont pas tels qu'ils les pousseraient à descendre dans les rues pour provoquer une révolution à l'égyptienne. Ils sont cependant assez nombreux et importants pour inspirer ce que l'on pourrait nommer de façon sommaire un véritable « rejet du Système ». On peut donc penser que si des forces révolutionnaires hypothétiques proposaient, non des aménagements de façade, mais de véritables mutations dans le Système politique et économique global, elles pourraient susciter un grand enthousiasme populaire.

    Encore faudrait-il que ces propositions ne soient pas utopiques. Les citoyens européens sont suffisamment avertis d'un certain nombre de contraintes globales pesant sur l'humanité pour ne pas soutenir de programmes proposant par exemple le développement continu de la consommation, la diminution radicale du temps de travail productif ou une égalité absolue entre régions et couches sociales. En simplifiant beaucoup, nous pourrions dire que la revendication la plus susceptible de rassembler les populations européennes concernerait le travail. Il s'agirait d'abord du droit au travail pour tous, autrement dit le refus du chômage en train de devenir une véritable plaie, même en Europe. Il s'agirait ensuite, à l'intérieur de chacune des professions, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé, de la conquête d'une plus grande autonomie à l'égard des hiérarchies, des réglementations et plus généralement des contraintes imposées par un ordre économique libéral ou néo-libéral devenu dominant en Europe, dont les inconvénients apparaissent bien supérieurs aux avantages.

    Du temps où les oppositions de gauche s'inspiraient d'un marxisme théorique, le remède proposé aux dysfonctionnement des régimes capitalistes consistait à remplacer les « patrons » par l'Etat ou par des entreprises publiques assurant une répartition dite tripartite du pouvoir entre les cadres, les personnels et les usagers. Ceci n'a pas donné que de mauvais résultat, puisqu'on doit à une telle politique, en France, ce qui distingue encore notre pays de ses voisins plus libéraux: les services publics de l'énergie et des transports, le secteur santé-social, un certain nombre de grandes entreprises industrielles où l'Etat a conservé une certaine participation,. Bien sûr, tout ceci est actuellement détruit systématiquement par le capitalisme financier soutenu par un gouvernement acquis à sa cause. Mais l'on pourrait envisager qu'une « révolution » adaptée aux exigences du temps présent propose d'y revenir.

    Ceci cependant ne serait pas suffisant. La financiarisation systématique de l'économie, donnant priorité aux profits spéculatifs sur la production de biens et services relevant de l'économie dite réelle, a mis en place au niveau mondial un système d'appropriation des résultats du travail au profit de nouveaux pouvoirs bien plus exploiteurs que les anciens chefs d'entreprises. Les crises économiques récentes les ont mis en évidence. Il s'agit des industries financières, banques, assurances, gestionnaires de marchés spéculatifs. Il s'agit aussi des gouvernements et des classes sociales supérieures qui, dans le monde entier, sans exception, se sont associés aux responsables de ces organismes pour mettre en commun les moyens civils, réglementaires et le cas échéant militaires permettant de s'imposer à des populations sans défense.

    Les pays dits développés, comme les pays émergents ou ceux qui sont encore sous-développés, n'échappent pas à cette nouvelle tyrannie. Les Européens, si aujourd'hui ils voulaient renverser les dictateurs qui les oppriment, ne devraient pas se limiter à renverser les gouvernements détenteurs du pouvoir politique. Ils devraient renverser parallèlement les détenteurs du pouvoir économique et social, en tout premier lieu les banques et les institutions financières qui soutiennent la spéculation. L'ennui est que celles-ci forment un réseau sans faille au plan international. Vouloir réformer l'un de ses représentants entraine la réaction violente de l'ensemble des autres. De plus, les banques et assurances répondent à un besoin indéniable, celui de gérer et faire circuler les épargnes. Elles se sont appuyées sur ces services pour développer leurs activités spéculatives et prédatrices. Il faudrait donc, dans la perspective d'une « révolution » s'en prenant au pouvoir financier, conserver, sous une forme moins prédatrice, par exemple mutualisée, les activités utiles de la banque, de l'assurance et de la monnaie.

    Est-ce à dire qu'une révolution politique visant à détruire les pouvoirs qui oppriment les citoyens européens, notamment en les privant de leur droit au travail et à la responsabilité dans leur activité professionnelle, serait impossible. Beaucoup de gens le pensent. Le monde est trop complexe, l'Europe est imbriquée dans des luttes entre blocs géopolitiques bien trop puissants. Il faut se résigner à subir le chômage, la dépersonnalisation de ce qui reste d'activités productrices. Il faut accepter le luxe et le gaspillage dont profite une petite minorité de dominants se soutenant les uns les autres au plan international. Pour notre part, nous ne le pensons pas. Mais pour s'en convaincre, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont se feront les révolutions à notre époque, qui est celle de l'Internet et des réseaux interactifs, dits du web 2.0.

    Des cyber-activistes cognitifs

    Le monde va changer très vite sous l'influence de l'évolution exponentielle des technologies de l'information, de l'intelligence artificielle et de la robotique autonome (voir notre présentation du livre de Martin Ford, « The Lights in the Tunnel », bien informé de ces questions). Ceci entraînera des conséquences profondes sur les processus productifs et l'emploi, sur le contrôle imposé aux populations mais aussi sur les modes d'action des oppositions politiques et syndicales. Aucun pouvoir, aussi tyrannique qu'il soit, ne pourra prétendre les neutraliser. Dans les systèmes anthropotechniques chaotiques en conflit qui sont ceux du monde global, ces oppositions, que ce soit pour détruire ou pour construire, s'exprimeront nécessairement dans et par les réseaux. Mais quelle forme prendront-elles?

    Les révolutions tunisienne et égyptienne en ont déjà donné une petite idée. On doit se persuader qu'une population, même lorsqu'elle est très opprimée, ne se révolte pas spontanément. Il faut qu'apparaissent (qu'émergent) des agitateurs. Ce furent les « encyclopédistes » du Tiers Etat avant la révolution française de 1789, les intellectuels anarchisants des révolutions anti-czaristes avant 1917 ou les militants de la bourgeoisie française « allant au peuple pour l'éduquer » durant l'entre deux-guerre. Aujourd'hui on commence à désigner de tels agitateurs par le terme d' « activistes cognitifs » ou, dans la mesure où ils utiliseront massivement les ressources du web, de cyber-activistes cognitifs.

    Il s'agit dans les pays pauvres de représentants des classes moyennes fortement diplômes qui ne trouvent pas leur place sur le marché du travail et qui théorisent les changements sociaux souhaitables. Mais au lieu de s'exprimer comme jadis par les voies traditionnelles du militantisme et de la presse, ils utilisent les réseaux interactifs. Ils s'en servent non seulement pour préciser leurs propositions mais pour les diffuser au sein des couches sociales qui ne se révolteraient pas spontanément. Les pouvoirs, aussi tyranniques qu'ils soient, peuvent difficilement couper les réseaux et neutraliser les serveurs, de plus en plus nombreux, même dans les pays pauvres.

    Ceci dit, le terme de cyber-activisites cognitifs pourrait aussi désigner, dans les pays développés, les innombrables sources qui contestent sur Internet les pouvoirs établis et proposent des solutions alternatives. Tout le bouillonnement en résultant ne s'est pas encore concrétisé par des programmes politiques susceptibles de mobiliser les électeurs ou susciter d'éventuelles manifestations suivies, mais le mouvement est en marche.

    Dans les pays développés cependant, tels les pays européens, les cyber-activistes cognitifs devront pour toucher les foules dépasser le niveau de l'opposition primaire. Nous avons vu que les problèmes à résoudre sont extrêmement compliqués. Aucune solution ne peut s'imposer dans susciter d'innombrables débats. L'ignorance, l'intolérance, spontanées ou entretenues, des citoyens, sont considérables. Pour que les opinions se motivent en profondeur, soit en vue d'une expression par la voie de la démocratie représentative, soit à défaut dans la rue ou sous d'autres formes non prévues par les institutions, un travail de formation, de construction et de dialogue en profondeur s'impose. Pour cela, il ne suffira pas de prise de paroles sur les blogs et moins encore d'affirmations abruptes lancées sur twitter. Même des articles s'efforçant à la pédagogie comme le présent texte ne suffiront pas.

    Nous pensons que les cyber-activistes cognitifs visant à faire évoluer en profondeur les sociétés européennes, dans le sens d'une véritable révolution citoyenne, devront s'impliquer de deux façons supposant un engagement total.

    La première et la plus importante consistera à expérimenter des modes de production ou de distribution utilisant les nouvelles technologies pour changer en profondeur les activités économiques. Il s'agira d'enlever du pouvoir aux formes concentrées d'exploitation soumises aux intérêts financiers mondialisés pour le redonner à des producteurs locaux mutualisés. Cela concernera l'agriculture, les diverses formes de production industrielles ou artisanales relocalisables, la banque et l'assurance mutualistes. Mais il s'agira aussi de repenser les activités de service, y compris celles relevant de la sphère publique. Ceux qui auront les moyens ou le courage de se lancer dans de telles expériences devront utiliser systématiquement les ressources de l'internet pour faire connaitre et discuter leurs objectifs et leurs résultats. S'ils ne le font pas, ils ne pèseront pas face aux multinationales et aux politiques publiques qui sont à leur service.

    Le second mode d'action, plus ludique et facile en apparence, consistera à utiliser les ressources de l'intelligence artificielle et de la gestion des connaissances en ligne pour intéresser les citoyens de la base à la façon dont des réformes, voire des révolutions, pourraient améliorer leur condition de travailleur et de consommateur de produits culturels. On sait qu'aujourd'hui, les personnes même les plus défavorisées consacrent beaucoup de leur temps à des émissions de télévision qui sont des machines à décerveler et à soumettre. Il faudrait que des cyber-activistes cognitifs de plus en plus nombreux proposent des produits (par exemple sur le mode des jeux vidéos) capables de rendre concrets les enjeux et les modes d'organisation d'une société européenne devenue en profondeur digne des valeurs qu'elle prétend incarner.

    De telles propositions, faites rapidement comme c'est le cas du présent article, resteront  sans doute incompréhensibles à beaucoup. Mais nous sommes persuadés que certains cyber-activistes cognitifs européens, ceux que nous pourrions qualifier de citoyens, ont déjà réfléchi à la façon de les concrétiser. Bien mieux, ils le font déjà mais ils n'ont pas fait assez d'efforts pour se faire connaitre à l'échelle européenne, compte tenu des différences de langage et de culture propres à ce continent qui en sont par ailleurs la richesse.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 12 février 2011)

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